““Il y a un vrai sujet de formation dans nos métiers, et c’est en agence qu’on apprend le plus vite””

Cette année, l’agence OP1C (On prend Un Café) fondée par Lionel Damm fête ses 15 ans ! En plus de piloter l’agence derrière la stratégie social media d’enseignes bien connues des Nordistes (Decathlon, Electro Dépôt) mais aussi de belles marques nationales (Carambar, Puget, Metro, McCain), Lionel Damm est administrateur et vice-président de la commission “Customer Marketing” de l’AACC : il nous livre son analyse de l’évolution du secteur des agences de communication.

Le marché, les clients, les talents 

Les réponses à l’édition 2024 de L’Observatoire de la Communication et du Marketing en Hauts-de-France montrent qu’après une belle période sur 2020-2022, la croissance des agences ralentit nettement : c’est quelque chose que vous observez aussi ?

Lionel Damm : Nous, ça va : OP1C a la chance d’être une agence en croissance depuis sa création, donc on s’en tire bien ! Cela dit, tous les échanges que j’ai avec mes confrères via l’AACC montrent que le marché s’est tendu en 2023 effectivement… et que c’est encore pire en 2024. 

Pourquoi ? Déjà parce qu’il y a sujet sur la façon dont sont organisées les compétitions : côté agences, le nombre d’acteurs augmente et on est très (trop) nombreux sur les appels d’offres, et côté annonceurs les demandes sont de plus en plus loties, et les budgets plus réduits. Ensuite parce qu’en parallèle les temps de décision s’allongent : on vient par exemple de signer un client avec qui les discussions ont débuté il y a 18 mois, et on commence à échanger avec un autre pour une stratégie à démarrer dans plus d’un an !

3 agences sur 4 déclarent qu’il est difficile, voire très difficile de recruter les bons profils. Ça vous étonne ?

Lionel Damm : Pas du tout ! Chez OP1C on a de beaux clients, je crois une belle réputation, des conditions de travail sympa… mais ça reste compliqué. On a même caressé le projet de déménager de Roubaix à Lille pour être plus attractifs. 

Clairement, les jeunes ont une mauvaise image des agences, et ça ne s’est pas arrangé ces dernières années. Alors oui, il y a des charrettes, oui les agences qui abusent ça existe (rappelez-vous du phénomène Balance ton agency). Pourtant, j’ai envie de leur dire qu’ils ne progresseront jamais plus vite qu’en agence : tu travailles pour des clients et des problématiques très variées, à côté de 2, 3, 4… autres personnes qui font le même métier que toi avec une émulation qui va te tirer vers le haut… Toutes choses que tu ne trouveras pas (ou plus rarement) chez un annonceur. 

Et le problème de fond aujourd’hui, c’est un problème de formation : les écoles ont du mal à faire venir des intervenants, la formation se fait de plus en plus en stage ou en alternance… et chez l’annonceur, nos interlocuteurs sont donc de plus en plus souvent des juniors. Et ils sont de moins en moins encadrés. On en arrive parfois à des situations où c’est l’agence qui “encadre” ces juniors, et donc une baisse générale de niveau assez préoccupante quand même.

Les jeunes en ont une mauvaise image, pourtant, j’ai envie de leur dire qu’ils ne progresseront jamais aussi vite qu’en agence

Où va le social media ?

Sur votre cœur de métier, l’enquête montre aussi une tendance à l’internalisation de la gestion de leurs réseaux sociaux par les annonceurs… Ça a un impact sur votre activité ?

Lionel Damm : Pas tellement. L’internalisation est en marche depuis longtemps, en réalité. En revanche, le fait que toutes les agences aujourd’hui disent faire du social media démultiplie la concurrence et nous oblige à expliquer quelle est notre spécificité :  une agence spécialisée en Social Media 360, organique, publicitaire, mais avant tout créative.

Sur ce marché, quelles tendances récentes observez-vous ?

Lionel Damm : La première qui me vient en tête, c’est évidemment l’explosion de TikTok depuis le Covid, avec deux conséquences créatives : on est sortis du carcan un peu “propret” d’Instagram pour des esthétiques plus “craft”, et tu ne peux plus prétendre faire ce métier sans compétences fortes en vidéo, ou plutôt en formats animés. Chez OP1C, sur 10 à 12 000 contenus produits par an, 8 000 sont animés.

Deuxième tendance de fond : l’influence est vraiment devenu un levier incontournable en social media, et heureusement que la loi influence est venue faire le ménage et rappeler quelques petites règles de base. C’est notre rôle d’agences conseil de les faire comprendre aux influenceurs et à nos clients.

Enfin, je pense qu’on arrive à un certain niveau de surproduction de contenus et d’assets : le recyclage, le réemploi, le produire moins mais mieux… c’est déjà la tendance et ça va s’amplifier.

Aujourd'hui, tu ne peux plus prétendre faire du social media sans compétences fortes en vidéo

L’IA et la créa

Et l’intelligence artificielle, ça change quoi ?

Lionel Damm : Clairement l’IA générative dans nos métiers c’est un outil, qu’on doit utiliser comme on a appris à utiliser Photoshop, Word, Google… On forme nos équipes à son utilisation, non pas dans l’optique que l’IA nous “sorte” le produit final, mais pour faire de la créativité augmentée. C’est ce qu’on explique à nos clients, et ils le comprennent bien : si on utilise l’IA, ce n’est pas pour faire plus, c’est pour faire mieux.

Concrètement, l’IA vous permet de faire mieux… mais comment ?

Lionel Damm : D’abord, elle nous permet de faire mieux parce qu’on se débarrasse de beaucoup de tâches sans valeur ajoutée. Par exemple, la production de textures pour les arrière-plans : avant on faisait un shooting pour intégrer ça dans nos visuels. Quel intérêt ? Idem pour la génération de tous nos formats publicitaires à partir d’un master : avant ça nous prenait 2 heures, aujourd’hui c’est un clic.

Ca, c’est déjà intéressant parce que ça nous permet de remettre du temps sur la créativité. Mais on va déjà plus loin, en créant nos propres GPT “maison” : on en a créé un premier, qu’on appelle “Data Man”, qu’on nourrit avec toutes les études de marché auxquelles on accède pour nous aider à trouver des insights. On a aussi développé et entraîné un chef étoilé, qui nous donne des idées d’ingrédients et de recettes (faciles, sophistiquées, pas chères…) : une part importante de notre clientèle est dans la food, et nos Social Media Managers ne sont pas des cuisiniers… C’est comme si on avait un collègue qui s’y connaît dans le bureau d’à-côté ! Le plus étonnant, c’est que tout repose sur la qualité du prompt : le “skill” le plus important à l’ère de l’IA, finalement, c’est de savoir écrire !

Grâce à nos GPT "maison" on déniche des insights, et nos social media managers ne sont jamais à court d'idées !

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